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Ermites de Grandmont

Ermites de Grandmont
  • Ermite de Grandmont... Ermite au moyen-âge... Ermite de touts temps... Fabuleuse épopée que celle de ces hommes du XIIe siècle finissant qui vont tout quitter pour vivre la solitude, le silence et la pauvreté de l'évangile...
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Ermites de Grandmont
12 juillet 2012

Quelques nouvelles du C.M.G.A. Et découverte surprenante.

Bonjour à toutes et à tous.

 Je souhaite la bienvenue à ceux qui passent sur ce blog et je sais qu'ils sont nombreux. En moyenne une centaine par mois. Bien venue tout  particulièrement à ceux qui ne sont pas des habitués de notre blog.  

Le Centre Médiéval Grandmontain d’Aquitaine est un peu en sommeil depuis quelques temps. Il n'a pas tenu son assemblée générale en décembre dernier comme il aurait dû le faire. Il faut impérativement qu'il organise celle-ci avant la fin de l'année. Il devient impératif de redonner un sens à nos actions, si toute fois nous voulons en avoir. 

J'ai été particulièrement marqué, ces derniers jours, par une visite totalement imprévue, lors d'une escapade impromptue en Lot-et-Garonne, dont moi seul ai le secret… 

Je suis tombé totalement par hasard (mais le hasard existe-t-il?), sur un monastère Bénédictin (Sainte Marie de La Garde) qui est une fondation de l'Abbaye Sainte Madeleine du Barroux. Je m'y trouvais donc un vendredi vers 14 heures ne connaissant absolument pas ce monastère. J'arrête mon véhicule et me dirige naturellement vers la chapelle du monastère. J'entre et m'assoie sur un banc. Elle est simple, avec une belle charpente apparente en vielles poutres. A peine quelques minutes passées et une cloche retentie. Alors là, c'est sur, cette cloche annonce un office… Je reste ? Je pars ? Je reste ? Finalement je reste. Bingo… la cloche appelait les frères à célébrer "none" (la neuvième heure du jour). Et là, stupéfaction… En un instant ce crée une déchirure dans mon espace temps, car je vois entrer les moines Bénédictins, tout droit sortis du film "le non de la Rose". Une large tonsure sur leur crane et une petite collerette de cheveux, les faisait sortir tout droit du moyen âge…Leurs tuniques usées montrait qu'ils travaillaient. Les pieds nus dans des sandales qu'ils fabriquent.  Seigneur que m'arrive-t-il ? Où suis-je ? En quelle année sommes-nous ? Pourquoi m'as-tu abandonné ? Un des frères vient ver moi… Il me demande si je souhaite suivre l'office de none avec eux ? Je m'entends lui répondre que je ne pourrais certainement pas rester jusqu'au bout (Je sais que les offices Bénédictins sont long) Il me répond que ce n'est pas grave et me refile le livret pour que je suive None… Allons-y... Suivons None… Après tout je consacre si peu de temps a Dieu que pour une fois… je peux faire un effort. Nous attendons quelques minutes encore, les derniers retardataires puis, tous inclinés, commencent à chanter. Et là, re-stupéfaction… Ils chantent en latin sur un mode recto tono (sur un ton régulier). Une idée venue de je ne sais où, me traverse alors l'esprit "les Grandmontains (dans les premiers siècles. Période qui est la plus captivante)  devaient chanter comme ça". Sans aucunes fioritures. Pas plus de fioritures dans leurs chants, que sur les voutes de leurs chapelles. Ce chant apparemment monotone, fini par nous amener vers une vibration différente. Comme si d'un coup, nous étions en accord avec la nature et le monde de l'infiniment grand. Une expérience à approfondir, à vivre ou à revivre.

Bonne journée à toutes et à tous.

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13 septembre 2010

Quelques infos…

Bonjour à toutes et à tous.

Je dois tout d'abord vous présenter des excuses car voilà plus d'un an que je n'ai pas fait vivre ce blog. Ma vie professionnelle particulièrement chargé depuis plus d'un an, mais aussi ma vie privée (Acquisition d'une petite maison et déménagement à la campagne) et quelques mois vécus sans envie, ne m'on pas permit d'y passer tout le temps que j'aurais souhaité et qu'il aurait fallu consacrer au Centre Médiéval Grandmontain d'Aquitaine.

Nous n'avons pas non plus tenu notre assemblée générale annuelle, fin 2009 et n'avons pas plus envoyé les appels de cotisation pour cette année.

Il nous faut donc organiser l'assemblée générale avant la fin de cette année. Nous en informeront bien sur tous les adhérents de la date où se tiendra celle-ci.

Inutile de vous dire que je n'ai pas consacré de temps aux recherches grandmontaines ces derniers mois.

Je déplore qu'il n'y ait pas de communication entre les différentes associations Grandmontaines. En effet, certaines d'entre elles on en charge la rénovation de bâtiments et leur animation hors, il faut toujours allez chercher les informations pour ne pas passer à côté d'événements. Ce qui est toujours regrettable pour tous ceux qui nourrissent une passion pour ces prieurés.

Avec l'aide d'Internet aujourd'hui, je suis certain que nous pouvons trouver une solution pour être informé, sinon en temps réel, tout au moins rapidement de certains événements. Personnellement, j'aimerai par exemple pouvoir participer à une campagne de fouilles sur un site grandmontain, s'ils s'en déroulaient ici ou là. En fonction bien sur de mes possibilités et disponibilités. Ou bien encore une campagne de reconstruction de telle ou telle partie d'un bâtiment.

Nous essaierons de mettre en place des liens qui permettent la circulation des informations.

Nous allons essayer aussi d'organiser la visite de l'ancien prieuré de Rauzet, si possible avant la fin de cette année.

J'espère vous retrouvez bientôt pour d'autres informations.

24 juin 2009

Visite de groupe du Prieuré de Chassay-Grammont

Bonjour à vous qui visitez le blog du Centre médiéval Grandmontain d’Aquitaine.

 

Soyez les bienvenus sur celui-ci.

 

 

 

Le Centre Médiévale Grandmontain d’Aquitaine (C.M.G.A.) avait arrêté la date du dimanche 14 juin de cette année, pour aller visiter le prieuré de Chassay-Grammont à Saint-Prouant en Vendée.

 

 

 

Après des difficultés d’organisation, deux groupes se sont formés pour participer à cette journée.

 

L’un, de six personnes est finalement parti de Bordeaux en Gironde, vers 9 heures du matin et l’autre, de trois personnes est parti de Cognac en Charente.

 

Après quelques heures de route nous nous sommes tous retrouvés pour un verre de l’amitié avant de partager un pique-nique que chacun avait amené. Le ciel chaotique, nous est resté néanmoins favorable durant toute cette belle journée. Du fait de l’éloignement des points de départ des deux groupes, peu d’entre nous se connaissaient. Ce fut donc l’occasion de faire connaissance et d’échanger commentaires, blagues et franche rigolades.

 

 

 

Puis vers 14 heures, nous avons visité ce très beau (mais très simple) prieuré des tous débuts du XIIIe siècle, construit dans une pure tradition Grandmontaine. La visite c’est déroulée en groupe ramassé, sur des explications de votre serviteur, avec un intérêt marqué par tous les participants pour cette architecture dépouillée, que la plupart d’entre eux découvraient pour la première fois. Nous avons pu bénéficier d’une exposition photographique de Bruno Rotival, organisée par le Conseil Général de la Vendée, nommée « le Temps du Silence ». Une très belle exposition dans toutes les salles de ce prieuré, de moments « volés » à la vie contemplative. Un petit fascicule de ce photographe écrivain a été remis à chacun d’entre nous, comportant quelques clichés mais surtout un très beau texte que j’essaierai de vous livrer dans les semaines qui viennent, en vous donnant les références bibliographique.

 

 

 

Vers 15 heures 30, la visite terminée, nous avons du nous résigner à nous quitter. Les deux groupes sont repartis chacun de leur coté en attendant avec impatience la visite du prochain prieuré. Certains m’ont promis de m’envoyer leurs impressions, sentiments et ressentis. Je ne manquerai pas de vous en faire part le moment venu.

 

 

 

Vous pouvez découvrir ce prieuré en diaporama sur ce blog Prieuré de Chassay-Grammont - Vendée (85)

 

 

 

Bonne visite à toutes et à tous.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

22 mars 2009

Quelques nouvelles du C.M.G.A.

Bonjour à toutes et à tous.

Je me rends compte qu'il y a bien longtemps que je n'ai pas rajouté d'information sur notre blog. Non pas que je n'y pense pas mais le poste que j'occupe maintenant depuis plus d'un an, me prend beaucoup de temps et occupe tout mon esprit, laissant de fait, peu d'espace pour le reste.

Du coup, le Centre Médiéval Grandmontain d’Aquitaine n'a pas tenu son assemblée générale en décembre dernier comme il aurait dû le faire. Je vais m'en occuper en espérant pouvoir organiser celle-ci avant juin prochain.

Sachez toute fois que dans les projets à très cours terme, il y a la visite du prieuré de Chassay-Grammont à Saint-Prouant en Vendée. C'est un projet qui me tient à cœur car il peut permettre à nos adhérents et sympathisants, de mieux appréhender l'architecture d'une extrême sobriété de cet ordre méconnu. Mieux comprendre aussi le fonctionnement de la vie quotidienne des ermites de Grandmont. Le but est de partir de Bordeaux en bus si possible affin d'éviter à chacun, fatigue et désagréments. Je me rends compte que ce n'est pas si simple à organiser et pour le moment seul 7 personnes m'ont fait savoir qu'elles étaient intéressées par cette visite. C'est donc une affaire à suivre d'ont je vous tiendrais informé.

Bonne journée à toutes et à tous.

11 novembre 2008

LE PRIEURE DE SAINT MICHEL DE GRANDMONT

Le net est un outil formidable. Cette fois je vous propose de lire le travail très complet "d'Elisabeth" que j'ai découvert sur http://nordetsud.hautetfort.com/

Bonne lecture.

LE PRIEURE DE SAINT MICHEL DE GRANDMONT

Situé à une dizaine de kilomètres de Lodève, sur un plateau désert dominé par les falaises du Larzac, le prieuré Saint Michel de Grandmont est un de ces lieux privilégiés où la spiritualité s'y exprime à travers des monuments datant de la fin du Néolithique jusqu'au Moyen Age. Particulièrement épargné par le temps et les guerres de religion qui sévirent dans la région, le petit monastère appartint pourtant autrefois à l'un des ordres monastiques parmi les plus stricts du Moyen Age : l'Ordre de Grandmont en Limousin.

Un lieu déjà chargé d'histoire 

Ce n'est certainement pas par hasard que le lieu ayant servi à l'implantation du prieuré Saint-Michel de Grandmont a été choisi par les moines de cet ordre né au Moyen Age. Toutes les études archéologiques menées sur ce site semblent en effet démontrer qu'il a été habité depuis plusieurs milliers d'années. A l'appui de ces thèses, la présence sur le terrain, et dans les proches environs, de nombreux dolmens, en plus ou moins bon état de conservation, mais qui prouvent l'existence de l'homme depuis la période néolithique (fin de la Préhistoire). 

Une étude de l'implantation de ces dolmens montre en effet qu'ils sont relativement alignés en bordure du Plateau du Larzac, puis en-dessous de ce plateau sur deux terrasses plutôt orientées vers le Sud. La présence de nombreuses sources dans cette région, comme sa position privilégiée en surplomb de plusieurs vallées en ont fait un lieu privilégié pour l'homme. 

Dans l'actuelle propriété privée incluant le prieuré de Saint-Michel de Grandmont, deux dolmens érigés et les traces d'un 3ème sont encore visibles. Situé à l'ouest du prieuré, le plus connu en même temps que le plus exceptionnel, avec son ouverture en porte de four, est sans conteste celui du Coste Rouge. A l'est du prieuré, le Dolmen du Belvédère, relevé depuis quelques années par les actuels propriétaires, se trouve à proximité d'un autre dolmen, malheureusement en ruine, mais qui permet, grâce aux fouilles effectuées récemment par le Groupe Archéologique Lodévois, d'en délimiter les contours. S'il est désormais acquis que les dolmens n'étaient autres que des sépultures collectives, pouvant en certains lieux contenir plusieurs dizaines de corps, plus énigmatiques et prêtant à toutes les hypothèses, même les plus saugrenues, sont les pierres taillées disséminées dans le parc du prieuré. 

Habité depuis des milliers d'années, ce lieu n'a pourtant élaboré sa renommée qu'au Moyen Age, date à laquelle fut construit le prieuré Saint Michel de Grandmont. 

L'ORDRE DES GRANDMONTAINS

Né au Moyen Age, dans le courant du grand mouvement monastique de l'époque, l'ordre de Grandmont ne connut pas la même renommée que celle des Bénédictins, des Chartreux ou des Cisterciens, datant pourtant de la même époque. L'austérité de sa règle est probablement à l'origine de ce qui le démarque des autres ordres monastiques d'alors, bien que tous reposaient sur le même idéal de pauvreté et d'humilité. 

Fondée en 1076 par l'ermite Etienne, la communauté des ermites de Muret (Limousin) s'était retirée à la mort de son fondateur (1125) dans un lieu encore plus sauvage, appelé Grandmont, qui devait lui laisser son nom. L'ordre se développait alors assez rapidement dans les régions limitrophes, créant des maisons appelées "celles" en Poitou, Auvergne et Languedoc en particulier. C'est ainsi que moins d'un siècle après la mort d'Etienne de Muret, l'ordre comptait déjà près de 150 celles dans le centre et le sud-ouest de la France, le monastère du Lodévois étant l'une des quatre implantées en Languedoc. 

La simplicité et le dépouillement de ces celles reflètent assez bien ce qui était imposé aux religieux, familièrement appelés "les Bonshommes", par la Règle de Saint-Etienne. 

Celle-ci imposait en particulier à ses membres une solitude absolue. Ce qui explique en partie le fait que les celles aient souvent été fondées dans des endroits isolés, parfois clôturés naturellement par des forêts. Jeûne, silence et pauvreté, individuelle ou collective, étaient imposés aux moines, lesquels devaient survivre grâce à leurs aumônes et leur travail manuel au sein de leur celle. 

Suite à une grave crise disciplinaire, par manque de hiérarchie et d'autorité véritable, l'ordre des grandmontains fut réorganisé en 1317 parle pape Jean XXII. Celui-ci plaça à sa tête un abbé général et regroupa les quelques 150 celles existantes en 39 prieurés conventuels, dont celui de Saint-Michel de Grandmont, en terre lodévoise. Dans le même temps, certains assouplissements furent apportés à la Règle. Mais ceci n'empêcha pas le déclin progressif de cet ordre au cours des siècles suivants. Un déclin accentué par la Guerre de Cent Ans et les guerres de religion. Ainsi en fût-il pour le prieuré de Grandmont, en dépit d'un dernier sursaut relevé au cours du XVIIe siècle. 

L'EGLISE ET LA CHAPELLE SAINT MICHEL DE GRANDMONT

Ces deux éléments du prieuré, construits à la fin du XIIème siècle et au début du XIIIème, reflètent bien l'austérité de la spiritualité Grandmontaine au temps de son apogée. 

Bâtie à la fin du XIIème siècle, l'église constitue la partie la plus ancienne du prieuré. Par son extrême simplicité, elle correspond bien aux traditions architecturales des grandmontains. Avec ses murs en grès, épais d'environ 1,30 m, elle ne comporte aucun contrefort. Seuls apparaissent encore, sur la façade nord, un rang de corbeaux de pierres destinés à recevoir les sablières de l'ancien "porticum", galerie de bois pouvant servir d'abri aux éventuels fidèles et de parloir aux moines. Désormais en lieu et place de ce porticum, on trouve la chapelle Saint-Michel, datant du XIVe siècle, dont l'appareil contraste avec celui de l'église. Cette chapelle était plus particulièrement destinée aux femmes et aux pèlerins de passage qui n'étaient pas habilités à fréquenter l'église du prieuré. La nef de l'église, autrefois réservée aux seuls frères, est on ne peut plus nue. Longue de 20,60 m et large de 6,70 m elle ne possède aucun arc, pilier ou même ouvertures latérales. Sa voûte, unie et sans renforts, est désignée sous le nom de "vouta plana". La nef est prolongée à l'est par une abside semi-circulaire, plus large que la nef (7,80 m), voûtée en cul-de-four, et bien éclairée par trois hautes fenêtres en plein cintre, ébrasées vers l'intérieur, qui ont été récemment démurées et équipées de nouveaux vitraux d'une belle sobriété. 

Trois portes donnent accès à cette église. Le portail principal, contrairement à ce qu'on pourrait le penser, n'est pas la grande porte située dans la façade occidentale. Celle-ci ne date en effet que du XIXème siècle et sa grandeur n'a d'autre explication que l'utilisation de l'édifice en cave. Le portail principal s'ouvre donc dans le mur nord, selon la coutume de l'ordre. Et dans cet univers d'austérité, il fait presque figure de décoration importante, avec son arc brisé, préfigurant déjà le gothique, et reposant sur des colonnettes portant des chapiteaux sans fioritures. 

Ce portail était semble-t-il destiné aux rares fidèles admis dans l'église. Quant à la troisième porte, dépourvue de tout décor, elle donne accès directement au cloître, côté sud. C'était la porte des moines. 

La seule note d'originalité de cette église se trouve à l'extérieur, sur le versant sud de sa toiture, il s'agit en effet de son clocher octogonal, datant du XIIIe ou XIVe siècle : une sorte de lanterne ajourée surmontée d'un petit dôme de pierre. Ce clocher est visible du cloître. 

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27 juillet 2008

Photographies Supplémentaires

Bonjour à vous qui venez visiter notre blog. Soyez tous les bien venus.

Faute de temps pour aller rechercher de nouvelles informations à mettre en ligne, je me suis contenté pour cette fois, de rajouter des photographies prise l'an dernier au mois d'août et septembre.

Tout d'abord sur l'album de Chassay-Grammont à Saint Prouant en Vendée. C'est un très bel ensemble, toujours formé de ses quatre bâtiments, qui nous permet de prendre conscience de ce qu'était un monastère Grandmontain.

Ensuite, j'ai rajouté quelques photographies faites en septembre 2007, sur l'album de Comberoumal à Saint Beauzély en Aveyron. Cet ancien monastère Grandmontain qui se trouve au nord de Millau, a gardé lui aussi ses quatre bâtiments. Même remaniés, ils nous offrent une belle cour du cloître agréablement aménagée.

Enfin, j'ai créé un album qui est consacré au monastère Grandmontain du Sauvage à Balsac, près de Rodez en Aveyron. Ce site, que j'avais visité en 1999, est en cours de fouilles et de rénovations, qui sont menées par une association qui fait là, des merveilles.

24 mars 2008

La Règle de Grandmont par Dom Jean BECQUET. 2/2

3.- La solitude et la prière.

La Règle de Grandmont, si catégorique en matière de pauvreté, nous avait laissé entrevoir une certaine méfiance en matière de contacts avec le siècle, donnant au calme et à la paix des frères la préférence sur les agitations du dehors. Une seconde série de chapitres va assurer à ceux-ci les conditions d'éloignement du monde et de recueillement nécessaires à la pratique d'un idéal que représente, sous la plume du rédacteur, un thème traditionnel, étranger aux Enseignements, mais connu dans la littérature érémitique du moment le thème du Christ allant combattre le démon dans la solitude.

Les mesures édictées par la Règle viseront donc à protéger si bien la solitude des frères contre le dehors et contre eux-mêmes, qu'elles créeront pour eux une sorte de réclusion en groupe dont la rigueur a frappé les contemporains, et qu'elles assureront à certains d'entre eux des conditions de recueillement privilégiées.

Les chapitres concernant l'installation des frères témoignent du désir, bien compréhensible chez des fondateurs, de leur voir éviter toute difficulté de voisinage; c'est ainsi qu'en acceptant les nombreuses donations d'emplacements boisés que leur vaudront leur humilité et leur attachement à Dieu, les frères se feront attribuer tous les droits, réels ou prétendus, sur la terre en question. Ils ne s'engageront à aucune prestation matérielle, ce qui serait simoniaque, et ne s'installeront pas sur les domaines des moines dont les changements fréquents de supérieurs occasionnent des réclamations; ayant rempli les formalités requises envers l'évêque du lieu, les frères demanderont à cet évêque, au prêtre de paroisse et aux autres possesseurs, la remise des dîmes de leur propre travail pour les distribuer eux-mêmes aux pauvres.

Une fois installés, les frères devront se soucier, sinon de rendre service, du moins de ne nuire à personne: point de moulins banaux qui détournent la clientèle des autres moulins, point de plaids (placita) tenus sur leurs terres, point de témoignage rendu par eux en justice. Au contraire, ils emploieront les legs d'un défunt à réparer ses torts, si ses héritiers naturels s'y refusent, et, par un désintéressement sans exemple, ils iront jusqu'à se refuser à toute espèce de procès, qu'il s'agisse des intérêts d'autrui ou des leurs. Comme nos références l'ont montré, toutes ces mesures se retrouvent, sauf l'interdiction des procès, chez les religieux réformés du temps, également soucieux de fermer leur porte aux embarras du siècle.

Le souci parallèle, tout aussi partagé par les ordres nouveaux, d’interdire aux religieux le retour dans le siècle, donne lieu, dans la Règle, à d'autres mesures étayées par une argumentation vigoureuse. D'abord, les sorties éventuelles ne doivent se faire qu'à deux, suivant l'usage évangélique, et en évitant les agglomérations; puis, l'on peut bien secourir un moribond tout proche, à défaut de prêtre séculier, mais la Règle, exagérant peut-être la pensée du fondateur, défend d'assister un père ou un ami mourant, car il faut "laisser les morts enterrer leurs morts". On ne sortira pas non plus pour prendre soin des pauvres, puisque le Christ n'a pas conseillé à Marie d'aider Marthe qui prenait soin de Dieu lui même, la meilleure part étant de l'écouter; et s’il est interdit d'aller prêcher, car rester au désert en se gardant du siècle réalise, d'après saint Grégoire le Grand, la vivante prédication d’une vie juste, il n'y a pas lieu davantage d'aller entendre les prédications, s'il est vrai que saint Jean-Baptiste n'a pas quitté le désert pour aller écouter le Christ dont la voix était en lui. Enfin, les frères ne se confesseront pas à quelqu'un du dehors, si saint qu'il fût, car ce serait un acte de défiance envers le pasteur et les siens, et cela augmenterait le péché.

Diverses autres dispositions d'ordre intérieur, plus ou moins en relation avec la vie de prière et de recueillement, différenciaient peu les Grandmontains de leurs émules des ordres nouveaux déjà organisés. En matière de liturgie, principale tâche des frères clercs, la Règle ne fait guère que renvoyer aux livres liturgiques composés spécialement à cet usage, semble-t-il. Quant au silence, il est imposé aux mêmes conditions qu'ailleurs, mais une certaine latitude paraît avoir été laissée aux frères sur ce point, puisque, conformément aux Enseignements d'Etienne de Muret, ils doivent se reprendre et se corriger mutuellement de leurs écarts de langage. Enfin, les frères devront faire bon visage aux visiteurs venus les voir au désert; l'hospitalité d'usage sera donnée avec la générosité de ceux que Dieu lui-même pourvoit, et avec un respect particulier des religieux; aux pauvres, ces envoyés de Dieu, on donnera toujours au moins une bonne parole, et si ces pauvres apportent une modeste offrande, on prêtera en retour la plus compréhensive attention à leur petit discours. Enfin, et toujours dans le but d'assurer à la vie religieuse les plus grandes facilités de recueillement, la Règle édicte une mesure sans précédent connu: elle donne aux frères convers toute autorité au temporel. Comme cette innovation devait se révéler désastreuse pour l'Ordre de Grandmont, il est nécessaire de s'y arrêter quelque peu.

Tout comme dans les groupes érémitiques des XIe et XIIe siècles, rassemblements fluides et disparates de convertis autour d'un saint homme, il ne dut pas y avoir, entre les disciples et continuateurs d'Etienne de Muret, d'autre distinction que celle des occupations où les moins doués assistaient les plus capables: soit psalmodie pour les clercs, gros travaux pour les laïcs, menus services pour tous. Lorsque ces groupes se ralliaient aux organisations monastiques ou canoniales, il était indiqué que les clercs devinssent moines ou chanoines, et les laïcs, convers.

Au moment où la Règle de Grandmont apparaît, la situation de ces convers semble avoir été un peu partout celle de religieux de rang subalterne, adonnés surtout aux travaux agricoles sous l'autorité du supérieur ou de son délégué. Nous savons que les Chartreux cantonnaient leurs convers dans leur "maison d'en bas" où, sous la direction d'un moine procureur, ils étaient chargés de veiller aux nécessités de la "maison d'en haut", de donner l'hospitalité, de se déplacer pour les affaires, etc. On voit cependant des contremaîtres convers dans ces exploitations agricoles qu'étaient les granges des Cisterciens et les "cours" des Prémontrés.

A Grandmont, tout se passe comme si la Règle, voulant à la fois sauvegarder l'égalité juridique des deux catégories et permettre aux clercs une réclusion complète, avait reconnu aux laïcs, appelés par elle convers, une autorité exclusive en matière d'administration, de travail et de relations extérieures, sans préjudice de l'autorité de prieur de Grandmont. Mais la Règle mentionne incidemment le dispensateur qui avait la charge de chacun des petits établissements de l'Ordre naissant (cura cellae) et qui, à ce titre, distribuait les vivres et les vêtements, fixait le menu commun et veillait aux besoins des malades; en fait, ce dispensateur occupait la première place dans chaque celle. Il faut donc conclure que les fonctions de dispensateur devaient normalement revenir aux convers; ainsi les clercs pouvaient, au prix d'une sujétion tempérée par la charité et compensée par la confession sacramentelle, mener la vie contemplative de Marie aussi bien que les Chartreux, tandis que leurs frères laïcs tenaient auprès d'eux le rôle actif de Marthe.

Quelles raisons ont pu pousser Etienne de Liciac à cette mesure sans précédent? Les documents nous en laissent entrevoir deux. La première est le cas, interne à l'Ordre, du laïc Hugues de Lacerta, ce disciple préféré qu'Etienne de Muret avait voulu garder près de lui; après le décès de son maître, Hugues était allé diriger jusqu'à sa mort (1157) une celle éloignée, tout en restant en relations de dépendances et d'amitié avec le chef d'Ordre et en prenant la part principale dans la rédaction des Enseignements du fondateur. La seconde raison, moins objective, est la manière un peu systématique dont l'auteur de la Règle a résolu la situation: ne pouvant laisser mener à tous la vie contemplative, et ne pouvant ou ne voulant séparer les contemplatifs purs des autres religieux comme faisaient les ordres nouveaux, il a pratiquement subordonné les premiers aux seconds, en accumulant les arguments spirituels empruntés aux Enseignements d'Etienne de Muret.

4.- Obéissance et vie commune.

Si la Règle de Grandmont va jusqu'à des mesures extrêmes pour faciliter aux frères le détachement des biens matériels ou le recueillement, elle ne témoigne pas d'un souci très poussé d'organisation générale ici encore, certaines choses sont supposées connues, comme les sanctions évoquées par une seule mention de la "discipline régulière", en usage dans les cloîtres; on ignore si la formule de profession était ou non celle que la Vie devait attribuer à Etienne de Muret, et c'est incidemment que l'on apprend l'existence d'une assemblée de l'Ordre à Grandmont, assemblée à laquelle chaque celle envoyait deux délégués. En revanche, l'obéissance au pasteur commun, assimilée, selon la conception traditionnelle, à l'obéissance à Dieu, fait l'objet de longs développements où bien des expressions rappellent les Enseignements, mais ou perce l'intention de voir les frères accepter "sans murmure ni hésitation", d'être envoyés ici ou là.

Ce pasteur, à qui était due l'obéissance avant tout autre, devait être élu par les frères d'un commun accord et sans intervention du dehors ceci était conforme au droit. Si, d'autre part, l'on peut penser que la Règle se faisait l'écho d'idées courantes en interdisant à l'élu de faire des largesses à sa famille, en menaçant d'anathème un prieur transgresseur de la Règle et en lui interdisant le titre d'abbé, on ne sait si la claustration complète qu'on lui impose est une application rigoureuse des Enseignements d'Etienne de Muret ou un emprunt aux coutumes des Chartreux. Il semble, toutefois, que le mode d'élection de ce prieur, minutieusement décrit comme un compromis entre clercs et convers (REG LX), soit aussi original que l'égalité juridique entre ces deux catégories de religieux.

L'obéissance est encore recommandée entre frères, et la chose est banale, mais l'argument tiré de l'absence de serviteurs l'est moins. On notera encore que la Règle ne laisse pas à la Providence le recrutement des frères aussi facilement que le soin de leur subsistance des conditions de santé et d'âge, comparables à celles qu'imposaient les Chartreux et les Cisterciens, limitent ce recrutement. Pour préserver la discipline de l'Ordre et son austérité, il était défendu d'accepter aucune personne qui vînt d'une autre religion ou un solitaire désireux de garder sa cellule. Néanmoins, la Règle ne parle pas d'un temps de probation pour les novices, probation qui nous est connue par ailleurs; mais elle interdit toute simonie à la réception de ces novices et fait preuve d'un désintéressement dédaigneux à l'égard des candidats par trop velléitaires. Au reste, il ne semble pas que les "fugitifs" grandmontains se soient vu imposer, pour leur rentrée en grâce, plus qu'on ne demandait ailleurs.

Enfin, les mesures prises par la Règle au sujet des femmes posent un problème d'interprétation non encore résolu. En écartant les femmes de la vie régulière des frères, l'auteur vise évidemment, comme les législateurs contemporains, la fréquentation imprudente des dames venues en visite de piété ou des servantes engagées pour le travail; mais la Règle réserve explicitement aux hommes la forme de vie religieuse dont elle fait honneur à Etienne de Muret, et c'est ainsi que l'ont compris les Grandmontains. Or, les Enseignements ne parlent pas des femmes, et il faut ici faire appel à un document étranger à l'Ordre de Grandmont.

La Vie inédite de saint Gaucher d'Aureil, écrite à la fin du XIIe siècle, nous montre son héros (= 1140) recevant volontiers des visiteurs et des pénitents des deux sexes; Etienne de Muret, venu séjourner auprès de Gaucher, n'aurait pas trouvé la chose à son goût et se serait éloigné pour cette raison. Cependant,un texte grandmontain, vraisemblablement contemporain de la Vie de saint Gaucher, fait allusion à l'indulgence d'Etienne de Muret pour la même clientèle de pécheresses repenties que l'on voit aussi bien autour d'Etienne d'Obazine qu'autour de Robert d'Arbrissel et de ses émules.

Si l'on peut récuser ce dernier texte comme trop tardif, on peut également soupçonner le biographe de saint Gaucher d'avoir voulu justifier le monastère double fondé par son héros, face au succès remarquable des Grandmontains misogynes. Par malheur, le témoignage des observateurs habituels des usages de Grandmont nous fait défaut sur ce point, et surtout, au moment où la Règle est écrite, la position des ordres nouveaux est un peu flottante quant à l'affiliation des monastères féminins. La plupart des ordres nouveaux avaient connu, au cours de leurs débuts érémitiques, la formule des monastères doubles, laquelle consistait en fait, à juxtaposer à une courte distance deux monastères dirigés par le saint fondateur ou ses disciples les plus sûrs. Mais assez vite, les plus organisés de ces ordres, Cisterciens et Prémontrés notamment, avaient vu les inconvénients du système et, vers 1140-1150, ils réprouvaient la prise en charge des moniales par leurs moines ou chanoines. Cependant, en 1147, le chapitre général de Cîteaux venait d'accepter, non sans réticences, l'affiliation des congrégations de Savigny et d'Obazine qui comptaient des monastères de femmes.

Faut-il donc voir, dans l'exclusion des femmes de l'Ordre de Grandmont, l'application d'un point de vue personnel à Etienne de Muret, ou un raidissement à l'égard des affiliations plus ou moins clandestines en cours dans les ordres nouveaux? Il est d'autant plus difficile de le dire que la Règle ne met en avant que des arguments bien conventionnels. Une hypothèse assez simple consisterait à voir, dans la pauvreté et les quêtes imposées aux frères, la raison qui a fait écarter les fondations féminines par l'auteur de la Règle.

4.- Conclusion.

L'examen de la Règle conduit à penser que son auteur, pénétré avant tout de la doctrine du Liber Sententiarum, a utilisé la Règle bénédictine et les coutumes des Chartreux; peut-être connaissait-il également la Règle augustinienne, la législation cistercienne primitive et les usages des chanoines réguliers? Il ne semble pas nécessaire de faire appel aux influences lointaines de Camaldoli et de Vallombreuse, comme on l'a fait parfois.

Les emprunts constatés sont-ils la seule raison pour laquelle Etienne de Liciac a doublé la doctrina d'Etienne de Muret au moyen d'une regula mise sous le nom de celui-ci? Non, car les précisions institutionnelles qu'apportent ces emprunts ne sont pas destinées à suffire à tout: s'il avait voulu seulement compléter les Enseignements du fondateur par une réglementation concrète, Etienne de Liciac serait entré dans des détails que le coutumier de 1170-1171 devait régler. Sans doute le tempérament rigide du quatrième prieur le portait-il à légiférer comme une notice un peu vague, mais assez proche de lui, nous le laisse entendre. Mais il faut surtout songer aux circonstances d'émulation religieuse où il se trouva, et, plus encore, aux facilités d'expansion lointaine qui lui furent fournies. Déjà le prologue de la Règle suggère des contacts entre les frères et des étrangers curieux de leurs usages, et un bon nombre de chapitres de cette Règle donnent à l'ensemble du texte l'allure d'un code de fondation érémitique, code à utiliser dans des parages où l'action directe du pasteur de Grandmont ne pouvait s'exercer. Aussi est-il nécessaire de rappeler ce que nous savons au sujet de cette expansion.

La Diffusion de la Règle.

L'étude de l'expansion grandmontaine au XIIe siècle est évidemment subordonnée à de minutieuses enquêtes d'histoire locale sur chacune des quelques 140 celles fondées au cours de cette période, de l'Angleterre à la Provence et du Toulousain à la Champagne. Ces enquêtes étant bien loin d'être terminées, on doit s'en tenir pour le moment aux indications générales et particulières recueillies au cours des siècles par les historiens de l'Ordre d'après ces indications, une soixantaine de celles auraient été fondées sous les quatrième et cinquième prieurs (de 1139 à 1170), une trentaine d'autres sont datées de la fin du XIIe siècle ou des débuts du XIIIe, et une quarantaine sont de date inconnue, mais doivent vraisemblablement être réparties proportionnellement entre les deux catégories précédentes. Les rythmes de l'expansion grandmontaine sont donc comparables, mutatis mutandis, à ceux de l'expansion cistercienne.

Le Liber Sententiarum mentionnait l'éventualité d'essaimage pour les disciples d'Etienne de Muret (SEN I, 4); nous avons vu ce qu'il en est de la Règle; quant à la Vita A, rédigée aussitôt après la Règle, elle est muette sur ce point. Mais les récits de miracles qui constituent la Vita B et le De Revelatione, textes compilés dans la seconde moitié du XIIe siècle, fournissent des données topographiques qui correspondent à une expansion encore modeste sur la douzaine d'établissements signalés, cinq relèvent du diocèse de Limoges, et trois ou quatre du diocèse de Poitiers, tout proche à bien des égards. Apparemment, la Vie de Hugues de Lacerta confirme cette impression. Le disciple préféré, que son maître ne voulait pas envoyer au loin (VHL N. 16), part dès la mort de son maître diriger une celle aux extrémités du diocèse de Limoges et il y meurt en 1157, entouré d'anciens venus des diverses celles voisines (VHL N. 51, cf. N. 38); la distance du chef d'Ordre n'était d'ailleurs pas telle qu'il ne pût y venir apporter au moins des aumônes recueillies par lui. Mais sur son lit de mort, Hugues manifeste des inquiétudes au sujet de l'expansion de l'Ordre "Nova... nemora, fratres que novicios... timeo... " Est-ce mauvaise humeur de malade ou appréhension devant des innovations? Hugues recevait parfois la visite d'un personnage important, Geoffroy du Loroux, ou Geoffroy Babion, ancien écolâtre d'Angers et archevêque de Bordeaux de 1136 à 1158. Cet ami des ermites, des ordres nouveaux et de la réforme ecclésiastique, avait reçu son siège en récompense de l'appui par lui prêté à saint Bernard dans l'extinction du schisme d'Anaclet. Est-ce lui qui renseigna un biographe de l'abbé de Clairvaux, Ernaud de Bonneval, sur la fidélité des Grandmontains à Innocent II et permit à ceux-ci de faire, vers 1153-1155, leur première apparition dans les documents littéraires non limousins? On ne sait. Il est certain, cependant, qu'ayant marié en 1137 sa pupille Aliénor au roi de France Louis VII, Geoffroy sut obtenir les faveurs des suzerains successifs de l'Aquitaine pour ses propres fondations canoniales de Poitou.

L'hypothèse d'une recommandation des Grandmontains par l'archevêque de Bordeaux auprès de Louis VII et de Henri II serait plus solide encore si la défense faite par la Règle au sujet des chartes de donation ne venait gêner les reconstitutions chronologiques. Avant 1158-1159, Louis VII avait installé au bois de Vincennes le premier des petits groupes de "Bonshommes" de Grandmont qui devaient s'établir bientôt sur le domaine royal sur les terres des petits seigneurs d'Ile-de-france et dans les principautés féodales de Blois et de Champagne. Mais la charte de donation du Bois de Vincennes ne fut délivrée qu'en 1164. Avait-on attendu la mort d'Etienne de Liciac?

Henri II Plantagenet était moins influençable que son malheureux rival, le Capétien Louis VII. Mais les Grandmontains ne perdirent rien lorsque le nouveau mariage d'Aliénor mit, en 1152, le Limousin sous le contrôle du futur roi d'Angleterre. Dès 1159, un auxiliaire de Henri II particulièrement qualifié, Jean de Salisbury, signale à l'admiration de tous, le désintéressement exceptionnel des frères de Grandmont, et les historiens de son maître sont d'accord avec lui pour noter les grandes faveurs du roi à leur égard. Des fondations royales et seigneuriales en résultèrent, mais, là encore, les chartes ne datent que de la seconde moitié du règne de Henri II, et elles sont falsifiées. A ce moment, du reste, les Chartreux semblent avoir eu la principale faveur du roi.

La première approbation apostolique donnée par le Siège Apostolique au genre de vie du prieur et des frères de Grandmont émane d'Adrien IV et se rapporte aux années 1157-1159. Léopold Delisle, mal impressionné par les falsifications grandmontaines d'actes de Henri II, avait jugé la bulle d'approbation "supposée ou tout au moins gravement altérée". Effectivement, la teneur est assez peu habituelle: renseigné sur Grandmont par deux évêques — bien connus, d'ailleurs — le pape encourage le prieur et les frères à persévérer dans leur propos, leur offre son appui et leur demande leurs prières; il n'est pas question de leur confirmer, comme pour les autres monastères, des droits et possessions dont, au reste, la Règle se souciait peu de voir conserver les titres. Au surplus, on voit le grandmontain Bernard de la Coudre, émissaire d'Alexandre III, se décharger en 1169 sur son collègue Chartreux du soin d'écrire à la Curie romaine, sous prétexte d'une interdiction portée par son Ordre au sujet des correspondances de ce genre; aucun des premiers textes grandmontains ne contient d'interdiction semblable, mais il faut se rappeler la répugnance inspirée aux milieux réformistes par saint Bernard au sujet des recours trop fréquents en Curie.

Tout récemment, l'absence même de faveurs juridiques dans la bulle, tout autant que son style (cursus), a été invoquée par un spécialiste pour écarter la condamnation de Léopold Delisle, et il semble bien qu'il faille se ranger à cette nouvelle opinion. En effet, ce sont des étrangers à l'Ordre qui ont fait la démarche de recommandation auprès du Siège Apostolique, et si la teneur de la bulle est vague, c'est que la nouveauté de l'idéal grandmontain a pu induire la Curie à la circonspection. En outre, dans une lettre dont nous possédons l’original, le pape Alexandre III qui fut le principal conseiller juridique de son prédécesseur Adrien IV, fait état d'une "confirmation" donnée par celui-ci aux frères de Grandmont. Il est vraisemblable que chaque celle nouvelle devait être pourvue du texte de la Règle, pour que l'on pût au moins en lire un passage chaque jour à Prime, comme dans les autres monastères de moines et de chanoines; mais aucun document ne nous le dit. Au reste, l'apparition des chartes de fondation dans les trois dernières décades du XIIe siècle montre que la Règle n'était guère observée, et les exemplaires de cette Règle primitive, amendée dès 1223 par le pape, sont trop peu nombreux pour que l'on puisse en inférer quelque chose sur sa diffusion.

Conclusion.

La Règle fournissait donc aux frère envoyés dans de lointains "déserts", la justification écrite de leur continuité d'idéal avec un saint ermite défunt, lequel se réclamait de l'Evangile plus que des règles en usage. L'indépendance de ce fondateur à l'égard des formules de vie religieuse de type clunisien, jugées par lui trop faciles, est maintenue et renforcée à la génération suivante par son successeur qui renchérit encore sur la sévérité des observances réformées.

Si la garantie d'un texte législatif littérairement plus présentable et juridiquement moins incomplet que les Enseignements d'Etienne de Muret, pouvait satisfaire les pionniers érémitiques venus de Grandmont, qu'offraient ces pionniers aux spirants à la vie religieuse? Les Chartreux avaient remis en honneur la cellule individuelle, mais les Grandmontains menaient, dans ces monastères en réduction qu'étaient Les celles la même vie claustrale que moines réformés et chanoines réguliers, avec des restrictions et difficultés matérielles plus grandes. Toutefois, la dignité et même l'autorité administrative reconnues aux convers pouvaient attirer de nombreuses recrues sans instruction, mais capables de gros travaux, et c'est probablement ce qui facilita l'étonnante expansion de l’Ordre.

Fin.

5 novembre 2007

La Règle de Grandmont par Dom Jean BECQUET. 1/2

Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Limousin, 113e année, tome LXXXVII, pp. 09-36

La règle de Grandmont.

Il convenait que le résultat de recherches récentes sur les institutions religieuses du seul Ordre spécifiquement limousin fût publié dans ce Bulletin où, jadis, Louis Guibert et l'abbé Lecler ont, chacun avec son talent respectif, traité de l'Ordre de Grandmont. Ces premiers résultats sont présentés ici plutôt sous forme d'un bilan qu'en manière de synthèse, car le sujet est abordé pour la première fois. De plus, la période considérée, soit le XIIe siècle, est un chantier en plein travail de l'historiographie médiévale actuelle; si les Cisterciens retiennent la plus grande part de l'attention des érudits, les Chartreux et les chanoines réguliers sont aussi l'objet de travaux en cours; or, Grandmont doit peu ou prou à ces diverses familles religieuses.

Quoi qu'il en soit de la réserve nécessaire dans le domaine exploré ici, ce bilan ne sera pas inutile s'il permet à de meilleurs connaisseurs des recherches plus poussées, ou bien s'il facilite des monographies d'établissements grandmontains.

1.- A Grandmont

Lorsque les disciples d'Etienne de Muret émigrèrent à Grandmont en emportant le corps de leur maître mort le 8 février 1124, ils gardaient certainement aussi le minimum d'usages claustraux que l'ermite, en acceptant des compagnons, avait bien dû emprunter à la vie des monastères du temps la clôture et la psalmodie, la lecture de table et les réunions au chapitre, la vie de communauté et l'obéissance au supérieur, enfin la probation des novices en vue d'une persévérance jusqu'à la mort. C'est cet embryon d'organisation qui va se fortifier pendant les deuxième et troisième quarts du XIIe siècle, sans que l'on puisse dater exactement les étapes de cette croissance. La principale étape est fournie à l'apparition de la Règle, due au quatrième prieur Etienne de Liciac (1139-1163), et suivie d'un coutumier constitué dès 1170-1171. Du successeur immédiat d'Etienne de Muret, Pierre de Limoges (1124-1137), on sait seulement que ce prêtre ordonna le transfert des disciples dans la solitude boisée de Grandmont en raison des tracasseries des Bénédictins d'Ambazac; surtout, il eut à organiser le culte liturgique comme nous l'apprend son épitaphe, et à réglementer la tenue vestimentaire des frères dont le saint fondateur paraît s'être peu soucié. Le troisième prieur, Pierre de Saint-Christophe (1137-1139) n'a pas laissé de traces sur les résultats de son très court gouvernement.

Est-ce au deuxième prieur qu'il faut attribuer l'initiative du recueil des Enseignements du fondateur (Liber Sententiarum)? Ce recueil a-t-il été, au contraire, compilé par Hugues de Lacerta et ses compagnons parallèlement à la rédaction de la Règle par Etienne de Liciac? En l'absence de toute indication positive des documents, ces questions paraissent insolubles. Peut-être, cependant, pourraiton voir un fil conducteur entre le Liber Sententiarum et la Règle dans l'enchaînement des divers prologues ou morceaux qui accompagnent ces deux textes. Cet enchaînement pourrait rendre compte de l'évolution des disciples d'Etienne de Muret dans le sens d'un refus de plus en plus systématique à l'égard des facilités matérielles acceptées par les autres religieux du moment, même réformés.

Le véritable prologue du Liber (Hec est doctrina....) mettant en balance la Règle de Saint Benoît et l'Evangile, fait, remonter au Beati pauperes spiritu l'institution du monachisme par le Christ, lequel n'a pu donner qu'une seule règle de vie. Le morceau Multis modis..., bien rattaché au Liber par la tradition manuscrite et par le style, développe le précédent prologue en une sorte de manifeste; il argumente à l'adresse des disciples de Saint Benoît, de Saint Augustin et de Saint Basile, et une énumération de tous les renoncements imposés aux siens par Etienne de Muret permet à l'auteur de conclure que, si le Fils de Dieu est venu nous enseigner la pauvreté comme la meilleure voie pour monter au ciel, il n’y a pas de meilleure règle à suivre que sa parole. Ce morceau Mullis modis... dénote une insouciance vestimentaire qui pourrait le situer chronologiquement avant les mesures prises en fait d'habit religieux par le deuxième prieur. Mais il annonce surtout la Règle, où l'on retrouve toutes ses prohibitions, sauf celle qui concerne les péages (vadimonia). Le prologue de la Règle6 6 déclarera à son tour, mais dans un style beaucoup plus soigné, que l'Evangile est la source de toutes les Règles et qu'il nous conduit à Dieu par le détachement de toutes choses; mais ce prologue se réclame aussi des "institutions apostoliques et canoniques", de la vie commune "à la façon des Apôtres"; enfin, il met prudemment dans la bouche du fondateur l'aveu qu'il a établi des usages d'après les avis de religieux très savants et d'après les "Règles des Pères". A cet aveu, s'ajoute l'acceptation des observations et corrections sur les points où ces usages seraient contraires à l'Evangile ou à ces mêmes Pères.

On saisit donc dans cet enchaînement de textes comment s'introduisirent, dans la tradition écrite de l'Ordre naissant, des thèmes ascétiques et spirituels absents du Liber Sententiarum, mais en faveur dans les milieux érémitiques et réformateurs qui avaient donné naissance aux ordres nouveaux. Grâce à la Règle, le petit groupe d'ermites venus de Muret à Grandmont va si bien rejoindre ces ordres nouveaux qu'il paraîtra, pendant un court moment, et aux yeux d'un esprit aussi judicieux que Jean de Salisbury, en constituer pour ainsi dire l'avant-garde.

2.- Autour de Grandmont

Avant d’examiner la Règle en elle-même pour voir dans quelle mesure elle s'inspire des Enseignements du fondateur ou des idées et pratiques répandues dans les ordres nouveaux, il n'est pas sans intérêt d'évoquer sommairement les réalisations de vie religieuse que pouvait connaître l'auteur de cette Règle9. Rappelons aussi qu'Etienne de Liciac fut, au témoignage de documents rares, mais sûrs, un homme d'autorité et un organisateur, sévère pour lui-même et pour autrui au point d'en imposer à Henri II; Grandmont lui doit son église et surtout son expansion au delà de la région limousine. Si Etienne de Muret fut, sans l'avoir voulu, le fondateur de l'Ordre, Etienne de Liciac en fut le, premier organisateur. Vers les années 1140-1150, à quelques lieues du tombeau de Saint Léonard qui constituait une étape sur la route des pèlerinages, on ne pouvait manquer de connaître le prestige des plus illustres religieux réformés du temps les ermites de la Chartreuse et les moines cisterciens auxquels la grande voix de Saint Bernard eût suffi à faire une célébrité.

Dans une lettre écrite aux évêques d'Aquitaine vers 1131-1134, l'abbé de Clairvaux énumérait d'autres religions de moindre relief, mais d'esprit identique: Tiron, Savigny, Cadouin, etc., auxquelles on peut ajouter Fontevrault; toutes ces religions nouvelles avaient à ce moment dépassé le stade des tâtonnements érémitiques pour se donner une certaine expansion et, partant, une certaine organisation. Quant aux chanoines réguliers, s'il ne saurait être question des Prémontrés dans le domaine des ducs d'Aquitaine à ce moment, il est possible que le passage d'Urbain II en 1095 ait stimulé beaucoup leur zèle. La réforme canoniale des XIe et XIIe siècles en Limousin n'a pas encore été étudiée, mais les fondations canoniales d'origine érémitique y sont nombreuses: qu'il suffise de nommer Saint Gauthier de l'Esterps (= 1102), Saint Geoffroy du Chalard (= 1125), l'Artige fondée au début du XIIe siècle, Bénévent et Aureil fondés à la fin du XIe et plus ou moins dépendants du chapitre Saint-Etienne de Limoges. Grandmont, qui suivait la liturgie canoniale, aurait pu rester un simple monastère canonial limousin comme toutes ces maisons, quitte à demander son coutumier à Saint-Ruf, comme fit le fondateur d'Aureil, Saint Gaucher (= 1140).

A côté de la solution canoniale, la formule cistercienne avait ses exemples tout proches. Le cas du prêtre-ermite limousin Etienne d'Obazine est des plus suggestifs à cet égard; après avoir suivi avec ses compagnons la liturgie canoniale, il était allé proposer son affiliation à la Grande-Chartreuse en 1132, puis avait accepté des "moniteurs" monastiques de Dalon, pour se rallier finalement à l'Ordre cistercien avec ses trois filiales en 1148, tandis que le groupe de Dalon attendait 1163 pour faire le même geste16. Si l’on se rappelle que les Cisterciens avait déjà fondé en Limousin La Colombe (1146) et Aubepierre (1149), on conviendra aisément que la Règle de Grandmont fut écrite dans une ambiance d'émulation entre diverses formes de vie religieuse austère.

On serait bien incomplet si l'on n'évoquait enfin, à l'arrière-plan, l'existence de nombreux ermites dont Robert d'Arbrissel est le type le plus remarquable, mais dont l'histoire véritable ne pourra jamais être écrite, faute de documents. Presque toujours, en effet, les documents mentionnent ces "irréguliers" de la vie religieuse lorsque eux-mêmes, ou leurs disciples, se sont rangés à des usages monastiques ou canoniaux. Mais en attendant cette régularisation, les ermites, plus ou moins prêcheurs et plus ou moins pèlerins, inquiètent les hommes d’Eglise et les religieux de type ancien saint Bernard lui-même ne les encourage guère.

La Règle

Il n'est pas inutile de rappeler que la Règle de Grandmont, comme celle de saint Augustin et de saint Benoît, comme plus tard celle de saint François d'Assise, est un code de vie religieuse, et cela explique l'abondance des considérations ascétiques et spirituelles qu'on y trouve. Cela explique aussi que notre texte ne parle pas d'usages (instituta) dont l'auteur n'ignore pas pour autant la nécessité. Le schéma général de la Règle témoigne du désir de grouper des notions connexes. Précédées de quelques développements sur l'obéissance, ces notions peuvent se ramener à deux grands thèmes ascétiques dont les applications pratiques se recouvrent quelque peu de l'un à l'autre d'abord la pauvreté, c'est-à-dire le renoncement aux biens matériels et la parcimonie dans leur usage; ensuite la solitude, c'est-à-dire la séparation du monde nécessaire à la paix de la contemplation, cette seconde partie enclavant quelques chapitres sur le recrutement. Puis viennent, jusqu'à la fin, des prescriptions relatives à l'organisation de la vie commune et au gouvernement; L'avant-dernier chapitre récapitule, dans un morceau de bravoure, les renoncements caractéristiques imposés par la Règle, et le dernier fait un devoir au prieur de s'y tenir sous peine d'anathème.

1.- La pauvreté

Le principe de l'obéissance une fois posé, les renoncements collectifs de base sont énumérés dans les chapitres IV à VIII. Comme chez les Chartreux, on interdit aux frères de posséder des terres hors des limites de l'endroit boisé qu'il leur aura été donné d'habiter. La Règle interdit aussi — et la chose est banale dans les ordres nouveaux — la possession des églises et "tout ce qui s'y rattache", soit les honoraires de messes, la pénitence administrée aux séculiers, les distributions d'eau bénite, l'assistance habituelle des fidèles aux offices des jours de fête, etc. Enfin et surtout, par une mesure sans exemple ailleurs, la Règle défend aux frères d'avoir des troupeaux, et leur permet seulement de demander l'aide des voisins et de leurs animaux en cas de nécessité. Ces renoncements sont motivés par des considérations dérivées en majeure partie des Enseignements d'Etienne de Muret les considérations les plus invoquées proviennent du souci de ne pas faire tort aux autres, de ne pas exciter leur jalousie et leurs blasphèmes soit en ajoutant "les terres aux terres", soit en détournant les revenus ecclésiastiques, soit en envahissant les pâturages. Les frères ne sont-ils pas morts aux affaires du siècle, eux qui se sont "coupé les membres", et n'ont pas la perfection nécessaire à la direction des églises? Tous ces renoncements, en leur évitant d'offenser Dieu, les allégeront dans leur montée au ciel car il faut, pour se mettre en la présence divine, une liberté d'autant plus grande qu'on est plus dégagé des soucis temporels. Qu'on n'aille donc pas donner à des animaux le soin que l'on peut mettre au service de Dieu, et la pauvreté affermira dans l'amour divin l'homme qui a quitté le siècle pour cet amour.

Privés ainsi des revenus habituels aux autres religieux, et réduits aux ressources d'un enclos dont ils n'ont pas le droit d'améliorer le sol au-delà du rendement indispensable à une vie pénitente, les frères sont remis par la Règle aux bons soins de la Providence divine, et ils ont à compter principalement sur les aumônes de pieux visiteurs, telles qu'en reçoivent en général les ermites. Mais ces dons étant d'autant plus agréables à Dieu qu'ils sont plus spontanés, il convenait de lui laisser le soin de travailler le cœur des hommes sans provoquer des libéralités par des demandes au dehors il fallait même s'en remettre aux donateurs sur les choix à faire, éviter d'envoyer un frère à des distributions dont la quantité n'aurait pas été fixée d'avance et, en cas d'oubli, se contenter d'une simple remarque sans recourir aux procès. Comme on le voit, les Grandmontains renonçaient théoriquement à ces dotations régulières qui assuraient en grande partie la stabilité économique des maisons religieuses de leur temps; ils y renonçaient de façon assez radicale, puisqu'aucun instrument écrit, ayant trait aux libéralités reçues ou promises, ne devait être conservé par les frères. De plus, s'ils pouvaient profiter des menus services rendus entre voisins (paille, fumier...), la quête leur était interdite d'une façon habituelle pour éviter le vagabondage seulement, lorsque les frères, à bout de ressources et rebutés par l'évêque du lieu, étaient à jeun depuis deux jours, ils devaient envoyer deux des leurs mendier de porte en porte la subsistance de tous pour une journée. Encore leur était-il conseillé avec insistance d'éviter dans ce cas leurs meilleurs amis pour ne pas les gêner.

Le même détachement qui est recommandé dans l'acceptation des dons, se retrouve dans l'attitude intérieure et extérieure qu'impose la Règle à propos des menues transactions avec le dehors; peut-être le rédacteur s'est-il quelque peu inspiré des statuts cisterciens en ordonnant aux frères de faire faire les achats par un ami sans aller eux-mêmes aux foires, de vendre bon marché et d'acheter au prix fort? Son texte, cependant, met en avant de façon explicite, les dangers du siècle si redoutés par les Enseignements d'Etienne de Muret et si la crainte de l'usure, qui fait interdire aux frères toute espèce de prêt, peut s'expliquer autrement que par ces mêmes Enseignements, c'est le respect de la vérité, fort en honneur dans le Liber Sententiarum, qui motive d'autre part l'interdiction des emprunts à remboursement fixe. En fait, on peut dire que la plupart de ces défenses qui poussent parfois très loin la délicatesse, puisent dans la doctrine des Enseignements, sinon toute leur inspiration, du moins le plus clair de leur argumentation.

L'absence de revenus fixes avait une conséquence soulignée par la Règle les frères n'avaient pas le droit de compter sur cette régularité dans l'alimentation qui était une des caractéristiques de la vie claustrale; ils devaient s'en remettre à Dieu et lui rendre grâce, quoi qu'il arrivât. Si leurs jeûnes n'étaient pas plus rigoureux que ceux des Cisterciens, ils devaient, comme les Chartreux et certains ermites, s'abstenir absolument de viande et de graisse, même en cas de maladie. Les malades, logés à l'infirmerie, devaient être préparés à la mort avec tout le recueillement possible, mais le législateur grandmontain voulait qu'on eût pour eux, pour les vieillards et pour les faibles, des soins dont les exigences dépassaient les recommandations de la Règle bénédictine. Ayant adopté des positions si nettes en matière de pauvreté collective, la Règle se contente de quelques conseils de désintéressement et d'uniformité en fait de désappropriation individuelle: nul ne doit penser trouver au désert les commodités qu'il n'avait pas toujours dans le siècle, mais bien une religion de pauvreté où l'on porte sa croix à la suite du Christ. Celui qui s'est offert à Dieu en hostie vivante et n'a rien gardé pour soi, attendra du "dispensateur" de sa celle le vivre et le vêtement, et chacun se contentera du régime commun, sauf le cas de maladie. On peut donc se rallier à l'opinion d'un excellent historien des origines franciscaines "L'Ordre des Ermites de Grandmont est celui qui a mis à la richesse les limites les plus strictes: un bois pour y défricher le terrain nécessaire à leur subsistance constitue tout leur avoir".  (fin de la première partie)

10 août 2007

L'Ordre de Grandmont vu par nos amis Allemands.

J'ai trouvé sur Internet ce texte (heureusement traduit de l'allemand, ouf...) qui prouve que, même nos amis d'outre Rhin se posent des questions sur l'ordre de Grandmont et surtout, son architecture. Je vous le livre "recto-tono" sans y avoir rien retouché. N'hésitez pas à y apporter des commentaires. Nous en rediscuterons en septembre maintenant. Je vous souhaite bonnes vacances à tous…

Kurzfassung in Französisch

Quel ordre religieux fondé au XIIe siècle a essaimé cent cinquante prieurés en France? Il s'agissait de l'ordre de Grandmont. Les Grandmontains sont connus par différentes études en France mais ils n'ont jamais suscité une étude comparative avec les autres ordres monastiques réformés du XIIe siècle. C'est pourtant en effectuant cette comparaison que la rigueur et l'exigence de la règle de Grandmont se distingue et ce jusque dans les tous les aspects de la vie monastique, y compris l'architecture.

L'ordre de Grandmont a été fondé en 1074 par Etienne de Muret. Après avoir passé sa jeunesse en Italie, Etienne de Muret s'installa sur le lieu d'Ambazac en Limousin pour vivre en ermite. Il eut des disciples et, au moment de sa mort, en 1125, la petite communauté comptait déjà plusieurs prieurés. Par un mode de vie extrêmement sévère et une règle très austère, les moines eurent une grande renommée et furent bientôt appelés «bons hommes. C'est ainsi qu'ils purent fonder environ cent cinquante prieurés jusqu'au début du XIIIe siècle. L'ordre connut son plein essor dans les années 1170-80, et trouva son point culminant au moment de la canonisation d'Etienne de Muret, en 1189. Mais, assez vite, des révoltes de convers et différentes crises exigèrent des réformes. Après la réforme de 1317, qui modifia le visage de l'ordre en le ramenant à un ordre quelconque, la Guerre de Cent Ans et les Guerres de Religion l'affaiblirent. Il fut finalement dissout par la Commission des Réguliers au XVIIIe siècle sous Louis XVI.

Il reste aujourd'hui en France environ cinquante prieurés qui conservent d'importants éléments d'architecture. Ceux-ci montrent de manière étonnante que les Grandmontains ont dû suivre des instructions exactes lors de la construction de leurs monastères. Pendant un siècle entier, l'ordre suivit avec beaucoup plus de ferveur que les Cisterciens un seul plan-type. Il fut réalisé dans le moindre détail par exemple en ordonnant le nombre de fenêtres de chaque salle du monastère. Toutefois, ce plan-type existait-il sur papier ou était-il transmis oralement?

La disposition des bâtiments dans le monastère grandmontain varie peu. S'agit-il d'un plan-type classique de monastère bénédictin? Ou ce plan-type est-il propre aux Grandmontains ? D'un monastère grandmontain à un autre, quelques variations apparaissent. Comment ces variantes peuvent-elles s'expliquer? S'agit-il de particularités régionales ou d'initiatives personnelles des travailleurs recrutés? Existe-t-il des influences suprarégionales?

La comparaison des motifs architecturaux des principaux ordres réformés montre une ressemblance étonnante et un même essai de simplification des formes que chez les Grandmontains. Mais aucun des autres ordres des XIe, XIIe ou XIIIe siècles n'a réussi à concrétiser un plan-type identique avec la même vigueur que les Grandmontains. Les ordres monastiques qui se rapprochèrent le plus de Grandmont dans ce souci de simplification furent les ordres de Vallombreuse en Italie, Artige et Chalais en France. Les ordres de Fontevrault et de Tiron furent fortement influencés par leurs régions et renouvelèrent souvent leurs monastères en les transformant en de grandes installations monumentales. Les Camaldules en Italie et les Chartreux développèrent un type propre. Malgré certaines variations dans le plan au sol, le plan-type est reconnaissable, notamment dans la régularité des formes. S'agissait-il d'un développement parallèle des formes? Ou d'une influence directe de Grandmont? Quels ordres furent les modèles des autres ordres?

Tandis que les Camaldules et les Chartreux restèrent des ordres érémitiques, les autres ordres réformés conservèrent seulement par quelques aspects la vie érémitique dans leur architecture. Tous les ordres religieux ont notifié par écrit la forme de leurs monastères. La plupart suivirent scrupuleusement les directives qui s'apparentaient à des lois de construction. Les Cisterciens s'éloignèrent le plus de leur forme originelle, et ce sont pourtant ceux qui eurent le plus de directives architecturales au fil du temps. S'agissait-il donc davantage de critiques concrètes de monastères cisterciens existants que de réelles lois de constructions?

L'étude de l'architecture de Grandmont apporte un nouvel éclairage non seulement sur l'ordre de Grandmont lui-même, mais également sur les ordres monastiques du Moyen-âge. Les spécialistes contemporains citent généralement les Cisterciens comme instigateurs de l'architecture monastique en Europe. Cette renommée architecturale semble être exagérée. L'idéal monastique de pauvreté a plus été respecté dans d'autres ordres, notamment dans celui de Grandmont. Sans vouloir rendre justice aux Grandmontains, cette étude ouvre de nouvelles perspectives dans la connaissance du monachisme européen.

17 juin 2007

Les Convers 2ème partie :

Dans la plupart des ordres religieux, comme vient de nous l’expliquer Gérard Guillaume (voir dans Histoire – Les Convers 1ère partie), les convers n’ont, ni les mêmes droits, ni la même vêture. Partout on cherchera à les différencier, voire même à les tenir à l’écart de la vie purement spirituelle de l’abbaye ou du prieuré. A titre d’exemple, on va prévoir, dans les abbayes cisterciennes notamment, une ruelle des convers, qui longe, mais évite soigneusement, les galeries du cloître pour que ceux-ci puissent effectuer leurs travaux, sans perturber la vie du cloître où vaquent les clercs (les prêtres). Toujours dans les abbayes de l’ordre de Cîteaux, ils n’auront pas non plus le même dortoir. Celui-ci est placé à l’opposée du dortoir de clercs. Et enfin, ils ne portent pas le même vêtement. Dans certains ordres, ils ne pouvaient pas entrer dans la salle du chapitre et encore moins y exprimer des remarques ou y faire de commentaires. Ils avaient juste le droit d’assister au rassemblement de la communauté des clercs, depuis la galerie du cloître, mais avaient obligation d’y recevoir la discipline en cas faute. Peut-être d’ailleurs avons-nous gardé de cette époque l’expression « Ne pas avoir droit au chapitre ». A confirmer…

A Grandmont, rien de tout ça. Avant même que la petite communauté ne prenne le nom de Grandmont, alors qu’elle était encore à Muret sous la conduite de saint Etienne, lui-même va confier aux convers (Laïcs convertis) toute la gestion de tout le temporel. Faut-il rappeler qu’Etienne, dont on nous dit qu’il avait été consacré diacre, n’a lui-même jamais voulu devenir prêtre, par humilité ?

Rien dans les préceptes de vie évangélique que va laisser le saint à ses premiers disciples et que ceux-ci vont soigneusement consigner, ne différencie les convers, des clercs. On peut donc en conclure qu’au moins dans les premiers siècles de l’ordre naissant, les convers de Grandmont portent le même vêtement, partagent le même dortoir, les mêmes petits bâtiments, sans distinction avec les clercs. Saint Etienne leur donne même autorité sur les clercs concernant les travaux quotidiens que la communautée doit effectuer. On sait juste que contrairement aux clercs, les convers de Grandmont pouvaient porter la barbe, mais sans obligation. Hugues De La Certa, disciple convers très aimé de saint Étienne, portait la barbe. D’ailleurs, en observant une plaque émaillée du XIIème siècle conservée au musée de Cluny à Paris, qui représente Hugues De La Certa et saint Étienne de Muret, on remarque que le saint patron de l’ordre est lui-même représenté avec une barbe, tout comme son disciple…

Vu ainsi de l’extérieur, ces pauvres ermites donnent au peuple de l’époque, un bel exemple de vie communautaire fraternelle, dans une parfaite unité. Si l’on rajoute à cela que pour rester pauvre et être charitables, ils redistribuaient les aumônes qu’ils recevaient, on comprend beaucoup mieux pourquoi ce même peuple leur donnera le surnom de « bonshommes ». Surnom que l’on retrouve encore aujourd’hui autour des lieux de leurs anciennes fondations.

Mais la cupidité des uns, l’envie de pouvoir des autres, feront que peu à peu, cette belle unité tant souhaitée par saint Étienne, sera bien mal menée. Les clercs de Grandmont, dans un « pur souci d’égalité » avec les autres ordres religieux de l’époque, reprendront pouvoir et autorité sur les convers. Pour cela ils en référeront au Pape qui tranchera. Ces « guéguerres » intestines finiront par pousser les convers de Grandmont jusqu’à la révolte…

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